Chaque aspect du processus de RMO est essentiel à la réussite du projet, et la mesure dans laquelle les différentes étapes sont interconnectées dans la pratique augmente la diffusion et l’adoption des résultats de RMO (voir figure 2). Pour cette raison, la composition de l’équipe de RMO doit être multidisciplinaire, réunissant des personnes possédant des compétences, expériences et antécédents variés et pertinents.
Les parties prenantes peuvent jouer un rôle important dans la diffusion des résultats de la RMO à travers leurs propres réseaux, en soutenant les changements recommandés dans la mise en œuvre de l’intervention et en encourageant l’adoption au sein de leurs réseaux.
Un projet RMO comporte de nombreuses étapes qui ne se chevauchent pas nécessairement d’une manière linéaire. La feuille de route de la Figure 3 illustre le calendrier et les étapes du processus de RMO. Rappelons que chaque contexte est différent et a ses propres complexités, donc cette feuille de route doit être adaptée à chaque situation. Le calendrier d’un projet de RMO dépendra du problème de l’intervention et des méthodes de recherche choisies. Cet exemple de feuille de route indique certaines des principales activités qui se chevauchent dans le cadre d’un projet de RMO.
Contrairement à d’autres types de recherche - où l’environnement est contrôlé pour créer une situation optimale pour la réussite du projet – la RMO est menée dans des conditions réelles et doit nécessairement aborder les problèmes identifiés lors de l’exécution d’une intervention dans son contexte. L’équipe de recherche n’influence aucunement le contexte et permet aux choses de continuer « comme d’habitude ». Les conditions réelles dans lesquelles une intervention a lieu sont influencées par des facteurs tels que les changements politiques, la situation du personnel de santé (par exemple changements ou transferts de personnel), le contexte physique (par exemple catastrophes naturelles et terrain géographique), les traditions (culturelles, religieuses, institutionnelles), les caractéristiques des parties prenantes et les problèmes de santé publique (par exemple épidémies et foyers d’infections). Ces facteurs, qui peuvent être globalement classés comme environnements physiques, socio-économiques et culturels, et cultures des systèmes de santé, parties prenantes et institutions, sont des aspects essentiels du contexte de recherche dans la RMO et nécessitent une analyse critique pour s’assurer que les questions de recherche soient bien contextualisées. Ensemble, ils contribuent et affectent la planification, la mise en œuvre, le suivi et les résultats de toute intervention.
Au cours d’un projet de RMO, les facteurs contextuels essentiels doivent être analysés objectivement (Figure 4). Ces facteurs varient considérablement d’un endroit à l’autre et peuvent être influencés par des événements internationaux, régionaux, nationaux et locaux. Cliquez sur chacune des rubriques ci-dessous pour explorer chacun de ces facteurs individuellement.
Divers aspects du contexte socio-économique et culturel peuvent avoir une incidence sur l’exécution d’une intervention, de sorte qu’une intervention efficace dans un endroit peut être inefficace ailleurs en raison de contraintes liées à la culture ou aux circonstances. Ces facteurs changent également avec le temps à mesure que les sociétés se transforment.
La géographie peut avoir un effet profond sur l’exécution d’une intervention, particulièrement en ce qui concerne l’accès aux services de santé et aux interventions sanitaires. Pour situer le problème dans son contexte, il faut prendre en compte, le cas échéant, la localisation de la population cible (rurale / urbaine), la distance avec les centres de santé ou la capitale, les barrières physiques (montagnes, rivières), les phénomènes météorologiques extrêmes, les infrastructures (systèmes de transport, électricité et approvisionnement en eau), et les données démographiques (taille de la population, répartition par lieu, sexe et âge).
Il est essentiel d’analyser le niveau de vie général et le niveau d’inégalité ainsi que l’identification des groupes vulnérables et le statut socio-économique basé sur les niveaux de revenu, les biens, le niveau d’éducation et la profession. En outre, les facteurs associés aux types d’habitations (par exemple, huttes partagées, appartements ou domaines privés), à la localisation, à la consommation alimentaire, à la nutrition, à l’accès à l’eau potable, à l’assainissement, etc., doivent également être pris en compte et analysés.
Il est important de mener l’analyse des facteurs culturels liés à la santé, l’égalité des sexes, les taux d’alphabétisation, l’ethnicité / la ségrégation tribale en considérant les points suivants :
Impliquer les parties prenantes dans un projet de RMO nécessite des consultations et des discussions en face à face, du niveau national au niveau communautaire – il ne s’agit pas seulement d’informer les parties prenantes et de demander leur accord pour l’étude, mais bien de les impliquer activement dans les discussions, les décisions et les négociations14
La réalisation d’une analyse des parties prenantes est l’une des activités les plus importantes entreprises par les chercheurs en termes de compréhension du contexte de l’intervention, et doit être effectuée de manière systématique et exhaustive16 17 18. L’objectif de l’analyse des parties prenantes est d’identifier toutes les parties prenantes concernées, d’évaluer comment elles sont susceptibles d’être affectées par la recherche, et comment elles peuvent répondre aux résultats de la recherche. L’identification des parties prenantes nécessite un jugement avisé, elle ne doit pas être non-inclusive (limitant la portée des perspectives) ou trop inclusive (diluant l’objectif essentiel).
En fonction du problème à l’étude, les parties prenantes peuvent inclure (mais ne sont en aucun cas limités à) :
L’engagement des parties prenantes nécessite souvent une approche et un ensemble de compétences similaires à ceux nécessaires à la création d’une équipe de RMO efficace, et les deux activités peuvent être utilement considérées comme formant un continuum (voir section « Construire une équipe de RMO »).
L’encadré souligne comment l’analyse des parties prenantes a été utilisée dans un cas pour évaluer les perceptions,
aspirations et attentes d’un éventail de parties prenantes afin d’évaluer l’environnement politique avant l’introduction d’une série d’innovations dans les services de santé.
Une analyse institutionnelle (une étude systématique du comportement des organisations) est une autre dimension importante à considérer dans la planification d’un projet de RMO. Ceci peut être réalisé à travers une analyse des forces, des faiblesses, des opportunités et des menaces (ou « SWOT », en anglais strengths, weaknesses, opportunities and threats) associées aux institutions qui pourraient potentiellement interagir avec l’équipe de RMO au cours du projet et avec l’intervention étudiée. Une analyse SWOT aidera à établir les facteurs institutionnels ayant un impact potentiel sur le succès ou l’échec d’une intervention donnée.
Les questions de recherche de base des projets de RMO sont motivées par des problèmes / questions de mise en œuvre et doivent être formulés en collaboration avec les parties prenantes, y compris les exécutants, les gestionnaires de programmes ou les décideurs du système de santé, et doivent être conçues pour la recherche axée vers des applications concrètes (action-oriented). Par conséquent, la RMO est habituellement menée dans le système de santé, du moins en partie. L’un des principaux objectifs de l’analyse du système de santé est d’anticiper comment des considérations spécifiques peuvent potentiellement affecter la viabilité et l’impact d’une intervention.
La figure 5 illustre les nombreuses composantes d’un système de santé au-delà des centres de santé, cliniques ou hôpitaux du secteur formel de la santé21. Par exemple, les membres de la communauté peuvent être fortement convaincus par le secteur informel de la santé et y accéder parallèlement au système de santé officiel. Du niveau communautaire jusqu’au niveau national, il existe divers ministères, départements et agences non liés à la santé mais dont le travail affecte directement ou indirectement la prestation des soins de santé. Les rôles déterminants que peuvent jouer ces intervenants doivent être pleinement pris en compte dans toute étude de RMO. Pour chaque composante importante d’un projet spécifique de RMO, il est utile d’entreprendre une analyse descriptive systématique pour aider à identifier les agents décisionnels pertinents et à la fois les institutions formelles et informelles qui régissent son fonctionnement. Toutes ces interactions complexes et réelles doivent être prises en compte dans la RMO.
Ces interactions complexes d’individus, de groupes, d’institutions, de la famille, de la société et des systèmes de santé pluralistes disponibles dans de nombreux pays influencent non seulement la santé des personnes, mais aussi les services de santé et les soins de santé dans les secteurs formel et informel.
De nombreuses initiatives en matière de santé donnent naissance à ce que l’on peut appeler des « systèmes adaptatifs complexes » (SAC ; en anglais complex adaptive systems ou CAS), une théorie fondée sur les relations, l’émergence, les configurations et les itérations22 23 24. L’idée sous-jacente étant qu’une myriade de systèmes complexes interagissent continuellement et provoquent des adaptations ultérieures dans leur environnement immédiat. Un SAC implique un grand nombre d’agents en interaction, ceux-ci ayant des capacités adaptatives. Ils s’adaptent en réponse à un environnement changeant, au contexte et aux changements induits par une intervention donnée. L’implication de cette notion est qu’il est difficile de « contrôler » le comportement des agents dans des situations réelles. Les SAC sont intrinsèquement imprévisibles et des réponses imprévues aux interventions se produisent souvent. Par conséquent, comprendre les phénomènes de SAC est important pour une meilleure sensibilisation, planification, mise en œuvre, suivi et évaluation des approches visant à étendre les services de santé.
Les SAC peuvent entraîner des comportements inattendus dans le contexte d’interventions de santé, par exemple, par des boucles de rétroaction, la dépendance par rapport au chemin parcouru et des comportements émergents.